poème pour l'Epiphanie

La galette est pour la fève

La fève est pour la couronne

La couronne est pour le roi

Le roi chante pour la reine

Et le fou crie "le roi boit !"

Chantez, fous, à perdre haleine !

L'an prochain, qui sera roi ?

                                Catherine de Lasa

poésie sur une naissance

Un enfant

Dans le monde entier, il y a une planète.

  Dans la planète, il y a un continent;

 Dans le continent, il y a un pays.

Dans le pays, il y a une ville.

Dans la ville , il y a un jardin

Dans le jardin, il y a un enfant.

Et dans un enfant, il y a le monde entier.

                                          Catherine de Lasa

La petite fille Espérance

 

 

 

« L'Espérance est une petite fille de rien du tout.
Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière.
Qui joue encore avec le bonhomme Janvier.
Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne couverts de givre peint.
Et avec son bœuf et son âne en bois d'Allemagne.
Peints.
Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas.
Puisqu'elles sont en bois.
C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus. »

                                                                                      Charles Péguy

Une poésie voyage

En sortant de l'école

En sortant de l'école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré

Tout autour de la terre
nous avons rencontré
la mer qui se promenait
avec tous ses coquillages
ses îles parfumées
et puis ses beaux naufrages
et ses saumons fumés

Au-dessus de la mer
nous avons rencontré
la lune et les étoiles
sur un bateau à voiles
partant pour le Japon
et les trois mousquetaires
des cinq doigts de la main
tournant ma manivelle
d'un petit sous-marin
plongeant au fond des mers
pour chercher des oursins


Revenant sur la terre
nous avons rencontré
sur la voie de chemin de fer
une maison qui fuyait
fuyait tout autour de la Terre
fuyait tout autour de la mer
fuyait devant l'hiver
qui voulait l'attraper

Mais nous sur notre chemin de fer
on s'est mis à rouler
rouler derrière l'hiver
et on l'a écrasé
et la maison s'est arrêtée
et le printemps nous a salués

C'était lui le garde-barrière
et il nous a bien remerciés
et toutes les fleurs de toute la terre
soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers
sur la voie du chemin de fer
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer

Alors on est revenu à pied
à pied tout autour de la terre
à pied tout autour de la mer
tout autour du soleil
de la lune et des étoiles
A pied à cheval en voiture
et en bateau à voiles.

 

Jacques Prevert


 

Poème de Marie Noël

 

  AU BOUT DES FAUBOURGS

Au bout des faubourgs ,là-bas

Hors de ville est la chaumine

A tout le monde. un bœuf las

Y dort -ou bien il rumine.

 

Entre là qui veut. Les fous,

les rôdeurs, les rien qui vaille

Les faiseurs de mauvais coup

Partout ont usé la paille

Et laissé là-dedans les poux

 

Le vent de la nuit déserte

Y pénètre tout transi.

La porte en est grande ouverte,

Les murs et le toit aussi.

 

Mais qui donc s'arrête ici 

Ce soir ? Une femme lasse, 

Un vieux, un âne peureux

Il ne reste pas de place

Sous les autres toits pour eux.

 

Pour loger à la froidure,

Ils ne sont guère exigeants,

Ils n'ont pas belle figure,

Ils n'ont pas beaucoup d'argent,

Ils n'ont pas grand  couverture.

 

Mais ô Ciel ! quelle aventure !

Voici qu'en ce pauvre lieu

Ces pauvres gens sur la dure

A minuit ont couché Dieu

Dieu, le Roi des Cieux qui passe

Sa nuit sur la terre basse.

                    Marie Noël. Le Rosaire des Jours. Stock. 1930

 

 

 

 

 

 

 

!

Fêtes de Noël

Venez les doux

Les amoureux

Le danseur lourd

Le roi boiteux

Le clown qui danse

Ne pleurez plus

N'ayez plus faim

N'ayez plus soif

Voici du vin

Voici du pain

Ne payez rien

Tout est pour vous

Ouvrez vos mains

Voici Noël

Qui vient vers vous

         Catherine de Lasa

 

Un poème d'hiver

LA PREMIÈRE BISE

Que la lune est grise,

Ce soir sur les champs !

La première bise

Cingle les bœufs blancs.

 

Le petit ruisseau

Semble se cacher

Sous les longs roseaux

Qui gardent le gué.

 

De hautes charrues

Tendent leur oreille

Vers la grange nue

Qui déjà sommeille.

 

Et contre le ciel,

Un petit sapin

Qui pense à Noël

Tend sa fine main,

 

Attrape une étoile

Et , secrètement,

L'accroche en tremblant

A sa cime pâle.

     Maurice Carême